Les pratiques addictives du compétiteur

1. Un mode de vie sous contraintes

Pour respecter le protocole d'entrainement et un régime alimentaire strict, la pratique du bodybuilding conditionne considérablement son mode de vie. L'engagement en compétition amplifie le nombre de séquences d'entrainements. Le bodybuilder doit effectuer au minimum 5 à 6 entrainements d'environ une heure trente minutes par jour. Par ailleurs, la fréquence des repas augmente proportionnellement de 5 à 6 repas par jour, d'une durée de 30 minutes. Le reste du temps disponible est consacrée aux phases de récupérations. En effet, le sommeil est important, le bodybuilder doit dormir entre 7 et 9 heures de sommeil continu pour augmenter le taux de testostérone.

La difficulté du compétiteur est d'assumer un rythme de vie « hors normes » conditionné par un cycle qui prend la forme d'une ritualisation de répétitions obsessionnelles : réaliser les entrainements / prendre ses repas / effectuer son repos. Les chercheurs démontrent que ce dispositif génère des souffrances sociales et familiales avec le délaissement de la vie familiale et professionnelle pouvant entraîner un divorce, une perte d'emploi, un rétrécissement du cercle des amis...

Ce mode de vie spécifique est d'autant plus difficile à gérer tout en exerçant une vie professionnelle. D'ailleurs, la plupart des compétiteurs n'exercent pas de métier sont souvent célibataires et se consacrent exclusivement à la compétition.

La spirale, s'entrainer 6 fois par jour, manger 6 fois par jour, dormir 7 à 9 heures, devient un cycle quasi obsessionnel. De fait, le bodybuilder se prive de travail, de sorties avec ses amis, et progressivement, finit par s'exclure de toute vie sociale. Sa seule obsession est de respecter son mode de vie strict pour progresser dans sa pratique sportive compétitive. Par ailleurs, cette spirale est composée de séquences très répétitives. En effet, le compétiteur répète des exercices d'entrainement, se nourrit des mêmes types aliments... Progressivement, ce mode de vie enferme le bodybuilder dans une routine obsessionnelle.

2. Des entrainements sans limite

Chez certains bodybuilders, le besoin d'entrainement devient vital. L'effort musculaire consenti dans la salle de musculation est indispensable à son équilibre. Pour illustrer ce propos, nous avons recueilli le témoignage d'un bodybuilder amateur. En l'absence d'une séance d'entrainement, le pratiquant explique qu'il ressent un manque qui provoque : un profond mal être, une forte irritabilité, des troubles du sommeil, des insomnies... parce que le sentiment de satisfaction de soi n'est présent qu'après une séance bien complète.

L'effort physique provoque un bien-être chez le pratiquant et le pousse parfois à s'entrainer au-delà des limites physiques que son corps peut encaisser. Cependant, la quête d'une masse musculaire toujours plus sculptée et plus imposante tend à minimiser les douleurs ressenties pendant l'entraînement. Pour certains compétiteurs de bodybuilding, la conscience du corps est complètement perturbée parce qu'ils sont obnubilés par l'objectif à atteindre : un corps parfait pour la compétition (selon leurs critères).

Des médecins se sont intéressés à la question suivante : qu'est qui pousse un bodybuilder à accepter une telle intensité d'entrainement quasi « hors normes » ? Ces derniers démontrent qu'il s'agit d'une pathologie nommée la bigorexie. Cette addiction reconnue par l'Organisme Mondial de Santé (OMS) depuis 2011, est définie comme « un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques et sportives en vue d'obtenir des gratifications immédiates et ce malgré des conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale. »

Les chercheurs ont démontré l'importance du rôle "chimique" des endorphines qui génèrent cette dépendance à la pratique sportive. En effet, les endogènes produites par le cerveau pendant la réalisation d'un exercice musculaire, produisent des effets entraînant l'extase du sportif (Etat de bien être consécutif à un entrainement). Cette sensation anxiolytique et euphorisante a pour effet de limiter la douleur ressentie dans le corps après l'entrainement.

Or, ce risque de dépendance est très présent, lors de la préparation compétitive, chez les bodybuilders qui dépassent environ 10 heures de pratique physique par semaine. Cette véritable addiction oblige la personne atteinte à ne plus pouvoir se passer de sport car elle avoue ne se sentir bien que lorsqu'elle a effectué la charge d'entrainement de son activité sportive. En effet, si se dépasser, dépasser ses propres limites, s'entraîner toujours plus, sont des facteurs de performance pour atteindre un haut niveau de compétition, la frontière entre l'intensité normale d'un entrainement et la dérive pathologique de l'excès d'entrainement est difficilement perceptible si le bodybuilder n'est pas suffisamment encadré par un entraîneur compétent.

D'ailleurs, cette pathologie prend une tournure dramatique en fin de carrière compétitive du bodybuilder. En effet, certains ont du mal à gérer le vide laissé par l'absence d'entrainement et sont alors victimes d'une dépression. D'autres, cherchent à combler ce vide de l'entrainement, et n'hésitent pas à prendre des drogues pour tenter de retrouver les mêmes sensations éprouvées lors des entrainements ou des compétitions.

3. Une perception déformée du corps

En quête de leur « idéal de corps », les bodybuilders renforcent leur tolérance à l'intensité de leur sport. Cependant, en analysant le discours des compétiteurs de bodybuilding, les médecins identifient un autre problème. Les bodybuilders présentent une distorsion de l'image de leur corps ; en effet, ils craignent d'être perçus comme des hommes trop faibles et trop minces. Cette peur induit une perception déformée du corps et renforce l'urgence de se muscler davantage.

Ces bodybuilders n'hésitent pas à se mettre physiquement en danger : ils ont des pratiques nutritionnelles très strictes, ils avalent des compléments alimentaires et prennent des doses d'anabolisants ou de stéroïdes dangereux pour la santé. La dépendance stricte à l'effort physique et l'importance démesurée accordée à leur plastique corporelle sont associés à une faible estime de soi et fait penser à une anorexie mentale inversée. Cette pathologie, nommée la dysmorphie musculaire, s'apparente à un trouble obsessionnel-compulsif (TOC) considérant le caractère obsessionnel des préoccupations corporelles, ainsi que les comportements compulsifs qui accompagnent ces préoccupations (par ex. : l'exercice physique excessif à la limite du surentraînement, maintien de la pratique malgré les conséquences néfastes pour la santé, se regarder fréquemment dans des miroir)

Cette maladie survient très majoritairement chez les hommes. Elle est une sous-catégorie de la dysmorphophobie qui est la crainte obsédante d'être malformé (pas assez musclé) ou de se trouver laid. Les médecins constatent qu'il est difficile de dépister la pathologie chez une personne, car celle-ci laisse entrevoir qu'elle est en parfaite santé en pratiquant des activités physiques sur une base régulière et en faisant attention à ce qu'elle mange au quotidien.

En effet, certains bodybuilders succombent à la prise de drogues, comme les stéroïdes anabolisants. Cette drogue constituée d'hormones masculines de testostérone, est utilisée dans le but d'augmenter plus rapidement et efficacement la masse musculaire. Soulignons que l'utilisation de stéroïdes anabolisants est associée à plusieurs conséquences physiques importantes comme : l'hypertension, les troubles cardio-vasculaires et les dysfonctions érectiles mais également augmente les troubles psychologiques comme : les troubles de l'humeur, l'agressivité, la paranoïa et les épisodes psychotiques.

Les scientifiques démontrent que le développement de la dysmorphophobie augmente pour les sportifs qui pratiquent des sports où l'augmentation de la masse musculaire est considérée comme un facteur de performance (comme le bodybulding ou le football). De plus, la pratique compétitive est un facteur aggravant car à la pression de performance spécifique au monde du sport de haut niveau implique souvent un besoin élevé de contrôle et une tendance au perfectionnisme. En fait, les bodybuilders atteints de dysmorphophobie présentent un désir intense d'atteindre un standard corporel souvent irréaliste et ce en dépit des conséquences négatives sur leur santé. A ce propos, de récentes recherches scientifiques ont mis en évidence une corrélation entre le perfectionnisme et le narcissisme d'un sportif, en effet, les bodybuilders ayant des traits narcissiques dans leurs personnalités tendent vers un désir de perfection extrême, et poursuivent alors le but irréaliste d'obtenir un corps parfaitement musclé et dépourvu de gras.

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